Trois piliers.
Le TGV file dans les brumes du matin, illuminées de franges rosées annonçant le lever. Je suis entouré d’une joyeuse cohorte de supporters bariolés aux couleurs suisses qui s’en vont à Lille suivre la finale de la coupe Davis de tennis.
Je pars pour St-Gervais rejoindre le centre Assise créé par le père Jacques Breton. J’y serai cuisinier et jikijitsu (celui qui conduit les temps de méditation zen), pour une session intitulée « Mythe et couleur ». Les participantEs sont venuEs pour y vivre un travail personnel dans l’esprit de Karl Fried G. Durckheim. Faire ressurgir du très fond de son corps une mémoire qui, quand elle se révèle dans la surprise et l’inexprimable, permet de donner – enfin – du sens à ce que chacunE vit dans son quotidien, parfois douloureusement et jusque là de manière incompréhensible.
Spécificité du centre Assise, deux autres piliers épaulent celui de la thérapie selon Durckheim : zazen et mystique chrétienne. Et les participantEs sont ici pour cela, pour vivre un travail déposé sur ces trois piliers.
Zazen pourquoi ? Zazen est la voie du silence. Mais de quel silence s’agit-il ici ? Lorsque l’on vous pose une question à laquelle vous ne savez pas répondre, vous restez silencieux. Mais ici, c’est le silence qui est la réponse à votre question. Bien comprendre cela peut prendre du temps, un temps passé dans la pratique, dans l’expérience de zazen.
Mystique chrétienne. Souvent dans un premier temps, ce pilier provoque une peur, ou même un rejet. Parce qu’on y lit institution, rituels, cortèges de lois, de principes, de dogmes, bien souvent en contradiction criante avec une réalité quotidienne et des comportements de personnes instituées responsables. Cette lecture est fondée, tant de blessures profondes ont été provoquées par de telles dérives.
Mais ici ce pilier est avant tout mystique. Mystique signifie la voie de l’expérience, celle qui vous met en contact direct avec l’ineffable, la source qui est en chacunE de nous. Cette source, c’est l’amont de toutes les Traditions. Reste à connaître comment se mettre dans le même état que celui des Patriarches, des fondateurs, et dans cet état vibrer en harmonie avec eux. Ici, ce sera zazen. Une voie mystique, c’est comme un train qui quitte ses rails – pour autant qu’il en avait – pour aller vers sa propre connaissance, qui tente cette expérience du train fou, qui la réalise, et qui pourra alors retomber sur des rails, ceux de sa Tradition, la Tradition qui est véritablement la sienne et celle d’une Communauté. Retrouver ses rails, c’est réajuster son corps au chemin droit, cohérent, qui n’est plus secoué de contradictions. Ce sera le vôtre, qui vous donne une vue juste, une nouvelle lecture des textes, celle que voulaient partager avec vous les fondateurs. Ils ont fait de leur mieux pour exprimer l’inexprimable que vous allez vivre alors dans la certitude. Mystique chrétienne est pour ceux qui sont sont retombés sur ces rails-là, et ce n’est pas une finalité, mais un début, pour témoigner, partager leurs expériences.